+++Par Iba Faye, Envoyé spécial+++

Daharatou (Tambacounda), (Mercure Média) le 30 juillet 2025 – Parmi les terres rouges du département de Bakel, dans la région de Tambacounda, un cri de détresse s’élève. C’est celui de Dieynaba Sow, sage-femme d’Etat au poste de santé de Daharatou, un village niché dans la communauté rurale de Bélé, sur la route de Goudiry. Ce cri, c’est celui d’une professionnelle de santé qui, chaque jour, affronte l’indicible avec des moyens dérisoires.

Le poste de santé de Daharatou ne ressemble en rien à ce que l’on pourrait attendre d’une structure censée accueillir des femmes en travail, des enfants malades ou des urgences médicales.

Le bâtiment, construit en argile, menace de s’effondrer. Il ne compte que deux pièces : une salle de consultation et une autre qui fait office de salle d’accouchement, de suite de couche, d’hospitalisation et de salle de travail. Un concentré de fonctions vitales dans un espace exigu et délabré.

‘’Nous manquons de tout et chaque accouchement constitue une épreuve pour nous. Pourtant, nous faisons ce que nous pouvons, jusqu’à prendre de nos propres poches pour aider les patientes, mais les conditions sont indignes’’, confie Dieynaba Sow, la voix chargée d’émotion.

Son témoignage, loin d’être isolé, reflète une réalité partagée par de nombreux postes de santé en zone rurale, où l’accès aux soins reste un combat quotidien.

‘’Le bâtiment est vétuste et les murs sont fissurés, les angles s’affaissent. À tout moment, le bâtiment peut s’écrouler’’ dit-t-elle, précisant ‘’même moi, quand j’entre là-dedans pour faire un accouchement, j’ai peur. Surtout avec la saison des pluies, le vent, les orages… ça risque de tomber sur nous’’.

Un espoir avait pourtant émergé. Une entreprise, dans le cadre de sa responsabilité sociétale d’entreprise (RSE), avait entamé la construction d’une maternité en dur. Les travaux ont débuté, soulevant l’enthousiasme des habitants. Mais brusquement, le chantier s’est arrêté. Aucune explication n’a été donnée aux responsables du poste de santé. Depuis, le bâtiment inachevé se dresse comme un rappel cruel des promesses non tenues.

Ce silence institutionnel pèse lourd, il alimente la peur, la méfiance et, surtout, il éloigne les femmes du poste de santé. ‘’Elles préfèrent accoucher à domicile car disent-elles, il y a un risque de mourir à l’intérieur du bâtiment. Donc elles accouchent à domicile et viennent ensuite nous présenter leurs enfants’’ soutient la sage-femme.

Selon elle, le taux d’accouchement à domicile est alarmant car, pour les six premiers mois de 2025, il est à 8 %, contre 4 % en 2024. ‘’C’est à cause de la maternité qui est non seulement vétuste, mais délabrée’’, explique Dieynaba qui souligne également que ce chiffre n’est pas qu’une statistique, il reflète des vies mises en danger, des enfants qui naissent sans assistance médicale, des femmes qui accouchent seules, parfois en cours de référence dans une autre structure.

Le village compte près de 7000 habitants et l’accessibilité y est un autre défi. D’après Dieynaba Sow, certaines femmes accouchent en cours de route et c’est pourquoi elle demande l’érection d’une case de santé supplémentaire pour améliorer l’accès.

‘’En cas de complication, dit-elle, les évacuations vers le centre de santé de Kidira se font à bord d’un tricycle offert par l’UNICEF. Un véhicule, bien que salutaire, qui est loin d’être adapté aux urgences médicales car les routes sont longues, les secousses nombreuses et, chaque transfert devient une course contre la montre’’ déplore-t-elle.

‘’Transporter une femme en travail sur un tricycle, c’est prendre un risque énorme’’, souligne encore Dieynaba qui explique que face à cette situation, la communauté de Daharatou appelle à l’aide.

Ce poste de santé de Daharatou, malgré ses limites, est un maillon essentiel du système de santé local. Il dessert plusieurs villages environnants et constitue souvent le premier recours pour les populations. Sa réhabilitation et son équipement ne sont pas une faveur, ils relèvent d’un impératif de justice sanitaire.

D’autant plus que ce sont les femmes de la localité qui se sont cotisées, pour construire le poste. Ce qui revient à dire qu’investir à Daharatou, c’est réduire la mortalité maternelle et néonatale en offrant des conditions d’accouchement sûres.

Dieynaba Sow ne demande pas l’impossible. Elle demande le minimum vital : une maternité fonctionnelle, une ambulance digne de ce nom et une case de santé pour désengorger le poste principal.

‘’La seule chose qu’on peut faire pour diminuer le taux d’accouchement à domicile, c’est qu’on nous aide à avoir une maternité acceptable’’ a lancé la sage-femme dont le cri de cœur s’adresse aux autorités sanitaires, aux collectivités territoriales, aux partenaires techniques et financiers, et aux entreprises engagées dans la responsabilité sociétale. Daharatou ne demande pas la charité. Elle demande la justice.

La Direction de la Santé de la Mère et de l’enfant (DSME), en collaboration avec la Direction Régionale de la Santé de Tambacounda et l’Association des Journalistes en Santé, Population et Développement (AJSPD) a organisé une caravane de presse pour la promotion de la SRMNIA N au niveau de la région de Tambacounda (Kidira et Koumpentoum).

Cette activité est selon les organisateurs une opportunité pour renforcer le plaidoyer et la sensibilisation dans une perspective de réduction des décès évitables des mères, des nouveau-nés et des enfants.

Il s’agit en outre, de sensibiliser les autorités territoriales et administratives sur les enjeux de la SRMNIA N, de même que la population sur l’importance de la Planification Familiale, mais également la population sur la santé des adolescent(e)s et jeunes.